(CNN) Les blessures évitables conduisent souvent à la mort chez les personnes autistes, selon une nouvelle étude. Elles sont trois fois plus susceptibles que la population générale de mourir à cause de blessures, selon l’étude, publiée mardi dans l’American Journal of Public Health.
Pour les enfants et les jeunes adolescents atteints de ce trouble du développement, les chiffres sont plus frappants : Ils sont 40 fois plus susceptibles de mourir de blessures que la population générale des enfants, ont indiqué les chercheurs. La noyade est la blessure mortelle la plus fréquente chez les enfants autistes.
Les personnes diagnostiquées avec un trouble du spectre autistique, qui entraîne des difficultés au niveau des compétences sociales et de la communication, meurent à un âge moyen de seulement 36 ans, ont noté les chercheurs. Pour la population générale, l’espérance de vie est de 72 ans.
Deux motifs ont poussé le Dr Guohua Li, auteur principal de l’étude et directeur fondateur du Center for Injury Epidemiology and Prevention de l’Université Columbia, à rechercher la relation entre l’autisme et les blessures.
« Premièrement, la prévalence de l’autisme a augmenté », a déclaré Li, notant qu’il y a environ 3,5 millions de personnes vivant avec l’autisme aux États-Unis, dont environ 500 000 enfants de moins de 15 ans. « Deuxièmement, il existe des preuves anecdotiques que les personnes atteintes d’autisme présentent un risque plus élevé de blessures ».
Les recherches réelles permettant de fournir des preuves tangibles ont cependant été difficiles à trouver.
36 ans de jeunesse
Pour obtenir des données, Li et Joseph Guan, un étudiant en maîtrise à Columbia, se sont tournés vers le système national des statistiques de l’état civil, qui enregistre les principales caractéristiques démographiques de chaque personne décédée aux côtés des informations sur la cause du décès.
Les chercheurs ont passé au crible plus de 39 millions de dossiers de décès déposés sur une période de 15 ans se terminant en 2014. En passant au crible les codes inscrits sur chaque certificat de décès, Li et Guan ont pu identifier ceux qui avaient reçu un diagnostic d’autisme. Ils ont épinglé seulement 1 367 individus avec un diagnostic d’autisme enregistré, dont 1 043 étaient des hommes.
Parce que l’autisme ne serait pas la cause directe du décès, il serait sous-déclaré sur les certificats de décès, a déclaré Li. Travaillant avec les informations disponibles, lui et Guan ont calculé la mortalité en utilisant la population générale des États-Unis comme référence.
Les décès annuels des personnes autistes ont été multipliés par près de sept au cours de la période d’étude, ont rapidement découvert Li et Guan.
Ils ont constaté que plus d’un quart (28%) des personnes autistes sont mortes à la suite d’une blessure – trois fois le pourcentage de la population générale – et que plus de 40% de ces décès sont survenus à leur domicile ou dans une institution résidentielle.
L’âge moyen auquel les personnes autistes sont décédées en raison d’une blessure était d’environ 29 ans, contre une moyenne de près de 55 ans pour la population générale.
La suffocation (lorsque l’oxygène ne peut pas pénétrer dans le corps), suivie de l’asphyxie (lorsque l’oxygène manque dans le corps) et de la noyade ont causé la plupart des décès. Combinées, ces trois causes représentaient près de 80 % des blessures mortelles chez les personnes autistes.
« Les décès par blessure chez les adultes autistes sont dus de manière disproportionnée à l’asphyxie et à la suffocation, et les décès par blessure chez les enfants autistes sont beaucoup plus souvent causés par la noyade », a déclaré Li, qui est également professeur d’épidémiologie à la Mailman School of Public Health de Columbia.
« Les enfants autistes âgés de 14 ans et moins sont 40 fois plus susceptibles de mourir de blessures que la population pédiatrique générale », a déclaré Li. Plus précisément, la noyade représente 46 % de tous les décès par blessure chez les enfants autistes, ce qui se traduit par un risque 160 fois plus élevé de mourir par noyade par rapport aux autres enfants.
« Le risque de noyade chez les enfants autistes atteint un pic entre 5 et 7 ans », a déclaré Li.
Il a expliqué que les enfants atteints de ce trouble ressentent souvent de l’anxiété, et l’errance, notamment vers l’eau, est une façon pour eux de trouver un soulagement. Avec 100 000 enfants nouvellement diagnostiqués avec des troubles chaque année aux États-Unis, a-t-il ajouté, « la première mesure concrète que les parents et les soignants pourraient prendre pour réduire le risque exceptionnellement élevé de noyade accidentelle est d’inscrire ces enfants à des cours de natation. »
Importance de la sécurité aquatique
« Près de 50% des enfants autistes errent », a déclaré Michael Rosanoff, épidémiologiste et directeur de la santé publique à Autism Speaks, une organisation de défense des droits. « Et les enfants autistes sont souvent attirés par l’eau. »
Des études antérieures ainsi que des discussions communautaires ont suggéré que les enfants autistes ont des accidents aquatiques entraînant une tragédie plus fréquemment que les autres enfants, a déclaré Rosanoff. Le risque plus élevé de noyade estimé dans l’étude n’était donc « pas un résultat surprenant pour nous, mais il réaffirme l’importance d’enseigner la sécurité aquatique aux enfants autistes », a-t-il dit.
« Nous n’avons pas vu une étude de cette ampleur auparavant. C’est une très grande étude, probablement la plus grande étude à ce jour sur ce sujet », a-t-il dit.
Les personnes autistes ont essentiellement la moitié de l’espérance de vie de la population générale, a déclaré Rosanoff : « Prenons une seconde pour laisser ce constat s’imposer ».
« Des conditions comme l’épilepsie, la dépression, le trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention, la schizophrénie — ces conditions psychiatriques et médicales sont beaucoup plus fréquentes chez les personnes atteintes d’autisme », a déclaré Rosanoff, qui a observé qu’un autre point clé de l’étude est que l’autisme lui-même n’est pas une cause de décès.
« Plutôt, l’autisme est souvent une condition médicale et psychiatrique concomitante qui est susceptible de jouer un rôle dans ce résultat de mortalité prématurée », a-t-il dit.
« D’autres études nous ont montré, y compris une étude récente de la Suède, qu’en fait, par exemple, la mortalité prématurée due au suicide est plus élevée chez les personnes atteintes d’autisme », a déclaré Rosanoff. Cependant, ce même résultat n’a pas été retrouvé dans l’étude actuelle.
Les parents doivent se rappeler que ce que dit cette étude, c’est « que les blessures font souvent partie du défi, et que les blessures peuvent être évitées », a-t-il dit.
Il a souligné que le site Web d’Autism Speaks offre des ressources sur les questions de sécurité aquatique, comme l’équipement des enfants pour être dans l’eau et leur apprendre à nager, ainsi qu’une boîte à outils pour les parents d’enfants qui errent.
Un taux plus élevé de personnes atteintes d’autisme
Le Réseau de l’autisme et des troubles du développement estime la prévalence des troubles du spectre autistique à un enfant sur 68 à l’âge de 8 ans.
Ce taux a plus que doublé entre 2000 et 2012, selon le réseau, qui est un groupe de programmes financé par les Centers for Disease Control and Prevention et chargé d’estimer le nombre d’enfants atteints d’autisme et d’autres troubles du développement vivant aux États-Unis.
Le risque n’est cependant pas uniformément réparti dans la population.
Le trouble est environ quatre fois plus fréquent chez les hommes que chez les femmes, par exemple. Et chez les nourrissons qui ont un frère ou une sœur autiste, le risque de développer le trouble peut atteindre une personne sur cinq, alors que le risque pour les nourrissons sans frère ou sœur affecté n’est que de un sur 100.
La prévalence a également tendance à être plus élevée chez les enfants blancs non hispaniques et chez les enfants dont les parents ont un niveau d’éducation élevé.