Manticore

Illustration de la manticore tirée de L’histoire des bêtes à quatre pieds (1607), par Edward Topsell.

La manticore est une créature légendaire d’Asie centrale, une sorte de chimère, que l’on dit parfois apparentée au Sphinx. Elle était souvent redoutée comme étant violente et féroce, mais ce n’est que lorsque la manticore a été incorporée dans la mythologie européenne au cours du Moyen Âge qu’elle a été considérée comme un présage de malheur.

Comme beaucoup de bêtes de ce type, l’existence de la manticore est contestée. Il a été suggéré que les contes de tigres ont été embellis pour créer la manticore encore plus redoutable. D’autres soutiennent qu’une telle espèce existe encore aujourd’hui. En tout cas, elle existe dans le monde de la fantasy, fournissant un adversaire digne et intrigant pour les héros.

Etymologie

À l’origine, le terme manticore est arrivé dans la langue anglaise à partir du latin mantichora, emprunté au grec mantikhoras. La version grecque du mot est en fait une prononciation erronée de martikhoras à partir du persan moyen précoce original martyaxwar, qui se traduit par « mangeur d’hommes » (martya étant « homme » et xwar- « manger »).

Description

Bien que les versions diffèrent parfois, les généralités de la description de la manticore semblent être qu’elle a la tête d’un homme souvent avec des cornes, des yeux gris ou bleus, trois rangées de dents semblables à celles d’un requin de fer, et un rugissement fort, semblable à une trompette/un tuyau. Le corps est généralement celui d’un lion (parfois à fourrure rouge), et la queue d’un dragon ou d’un scorpion, qui, selon certains, peut tirer des épines ou des poils venimeux pour neutraliser ses proies.

La manticore serait capable de tirer ses épines devant ou derrière, en recourbant sa queue sur son corps pour tirer vers l’avant, ou en la redressant pour les tirer vers l’arrière. La seule créature réputée pour survivre aux piqûres venimeuses est l’éléphant. Ainsi, les chasseurs chevauchaient des éléphants lorsqu’ils chassaient la manticore.

On dit que la manticore est capable de faire des bonds en hauteur et en longueur ; c’est un excellent chasseur, et on dit qu’elle a un appétit particulier pour la chair humaine. Occasionnellement, une manticore possède des ailes d’une certaine forme.

Origine

La manticore trouve son origine dans la mythologie de la Perse antique et a été apportée à la mythologie occidentale par Ctésias, un médecin grec à la cour perse, au cinquième siècle avant notre ère. Le Grec romanisé Pausanias, dans sa Description de la Grèce, se souvient d’animaux étranges qu’il avait vus à Rome et commente,

La bête décrite par Ctésias dans son histoire indienne, qu’il dit être appelée martichoras par les Indiens et « mangeuse d’hommes » par les Grecs, je suis enclin à penser qu’il s’agit du lion. Mais qu’il ait trois rangées de dents le long de chaque mâchoire et des pointes à l’extrémité de sa queue avec lesquelles il se défend de près, tandis qu’il les lance comme les flèches d’un archer sur des ennemis plus éloignés, tout cela est, je pense, une fausse histoire que les Indiens se passent de l’un à l’autre à cause de leur crainte excessive de la bête. (Description, xxi, 5)

Folio 24v d’un bestiaire du XIIIe siècle, le Bestiaire de Rochester (British Library, Royal MS 12 F XIII), montrant le Manticora.

Pliny l’Ancien ne partageait pas le scepticisme de Pausanias. Il a suivi l’histoire naturelle d’Aristote en incluant le martichoras – mal transcrit en manticorus et passant ainsi dans les langues européennes – parmi ses descriptions d’animaux dans Naturalis Historia, vers 77 de notre ère. Le livre de Pline a été largement apprécié et cru sans critique jusqu’au Moyen Âge européen, au cours duquel la manticore était souvent illustrée dans les bestiaires.

Une version orientale de la manticore habiterait, selon certains locaux, les jungles de l’Asie du Sud-Est, traquant les villageois la nuit. Bien qu’il soit spéculatif de savoir si les locaux croient réellement en l’existence de la créature mythique, ou s’ils ne font que perpétuer une tradition n’est pas clair. En dehors de la sous-culture fantastique, l’Asie du Sud-Est est la seule région du monde où les récits de manticores continuent d’être évoqués.

Un tigre du Bengale sauvage

Certains ont considéré que la manticore n’était pas plus qu’un tigre, soit un tigre du Bengale, soit un tigre de la Caspienne, sa fourrure apparaissant rouge au soleil. Si ceux qui ont vu ces bêtes, connues pour attaquer et même manger des humains (et utilisées dans les arènes romaines pour combattre les gladiateurs), les décrivent naturellement comme redoutables, pour ceux qui ne les ont jamais vues, toutes leurs caractéristiques paraissent fantastiques. Ainsi, les trois rangées de dents et les épines sur la queue pourraient bien être devenues des embellissements sur les contes du tigre.

Héraldique

La manticore fait une apparition tardive en héraldique, au cours du XVIe siècle, influençant certaines représentations maniéristes, comme l’allégorie de Bronzino L’exposition du luxe, (National Gallery, Londres) – mais plus souvent dans les schémas décoratifs appelés  » grotteschi  » – du péché de Fraude, conçu comme une chimère monstrueuse au beau visage de femme. C’est ainsi qu’il est passé, par le biais de l’Iconologia de Cesare Ripa, dans la conception française du sphinx des XVIIe et XVIIIe siècles. Elle n’a jamais été aussi populaire que d’autres créatures mythologiques utilisées en héraldique, très probablement parce qu’elle a toujours conservé un élément de malveillance.

Symbolisme

Au Moyen Âge, la manticore a parfois été considérée comme un symbole du prophète Jérémie, puisque tous deux étaient des habitants des souterrains. Cependant, les connotations positives n’ont pas collé à la manticore. Son comportement féroce et son aspect terrifiant en ont rapidement fait un symbole du mal, et la manticore en Europe a fini par être connue comme un présage de mauvaises nouvelles. Voir une manticore était le signe d’une calamité à venir. Ainsi, elle en est venue à impliquer la malchance, comme le proverbial chat noir dans la société moderne.

Culture populaire

Bien qu’elle ne soit pas aussi populaire que certaines autres créatures mythiques, la manticore n’en a pas moins été maintenue en vie dans la sous-culture fantastique de zone de la société moderne.La manticore a fait des apparitions dans plusieurs romans fantastiques, notamment dans la série Harry Potter de J.K. Rowling. La manticore est également l’une des créatures uniques capturées par la sorcière pour sa ménagerie dans La dernière licorne de Peter S. Beagle, qui a fait l’objet d’un film d’animation populaire. La manticore figure également dans le deuxième roman de la trilogie de Deptford de Robertson Davies, The Manticore (1972).

Cependant, les apparitions les plus marquantes des manticores se font dans les jeux de rôle et les jeux vidéo. Donjons et Dragons, Magic : The Gathering et les Batailles Fantastiques de Warhammer incorporent tous des manticores.

Notes

• Ashman, Malcolm et Joyce Hargreaves. Bêtes fabuleuses. Overlook, 1997. ISBN 978-0879517793
• Barber, Richard. Bestiaire : Being an English Version of the Bodleian Library, Oxford, MS Bodley 764. Boydell Press, 2006. ISBN 978-0851157535
• Borges, Jorge Luis. Le livre des êtres imaginaires. Amazon Remainders, 2005. ISBN 0670891800
• Hassig, Debra. La marque de la bête : Le bestiaire médiéval dans l’art, la vie et la littérature. Routledge, 2000. ISBN 041592894X
• Nigg, Joe. Wonder Beasts : Contes et traditions du phénix, du griffon, de la licorne et du dragon. Libraries Unlimited, 1995. ISBN 156308242X
• Nigg, Joe. Le livre des bêtes fabuleuses : Un trésor d’écrits de l’Antiquité à nos jours. Oxford University Press, USA, 1999. ISBN 978-0195095616
• Nigg, Joe. Le livre des dragons & Autres bêtes mythiques. Barron’s Educational Series, 2001. ISBN 978-0764155109