Moscou, mardi.
Lénine, qui se trouvait à Gorki, un village à vingt miles de Moscou, a eu une rechute soudaine hier, a perdu connaissance et est mort une heure plus tard, juste avant sept heures du soir.
Lorsque le Congrès s’est réuni à onze heures ce matin, Kalinine, qui pouvait à peine parler, a annoncé la mort de Lénine en quelques phrases brisées. Presque tout le monde dans le grand théâtre a éclaté en sanglots, et de toutes parts sont venus les gémissements hystériques des femmes. Les larmes coulaient sur les visages des membres du Présidium. La marche funèbre des révolutionnaires était jouée par un orchestre en pleurs. Lashevitch a annoncé que le 21 janvier serait un jour de deuil dans le calendrier russe.
Les anciens du Congrès se rendront à Gorki ce soir et ramèneront le corps à Moscou demain, où il reposera en état dans la salle des syndicats, qui, de six heures à demain, sera ouverte au public. Les funérailles auront probablement lieu samedi. Le Congrès, bien entendu, est ajourné.
La mort de Lénine était totalement inattendue, car il avait fait des progrès constants depuis un certain temps. Au début, il n’avait été autorisé qu’à entendre les titres des journaux, mais ces derniers temps, il a pris une part presque autocratique à la direction de sa propre convalescence et a choisi lui-même les passages qu’on lui lisait. Son bras droit paralysé rendait l’écriture impossible, mais ses assistants ont appris par des bouts de papier dans sa chambre qu’il apprenait secrètement à écrire avec sa main gauche. Depuis lors, les progrès ont été rapides et, avant Noël, il a même été capable d’aller tirer dans la forêt. L’autre jour seulement, Kamenev a annoncé à une réunion que Lénine se rétablissait effectivement et qu’il reprendrait son poste.
Sa lutte de longue haleine contre sa maladie a épargné au pays le choc qu’aurait constitué sa mort si celle-ci s’était produite dès sa première attaque, mais même ainsi, sa mort est survenue à un moment où, au cours de la récente discussion du parti, son absence a été particulièrement ressentie et à un moment où la dispute du parti est à peine terminée, et à la veille du premier congrès de l’Union. Sa mort est un coup dur non seulement pour le parti communiste mais pour toute la Russie. Même les ennemis irréconciliables de la Révolution sont incapables de dissimuler leur respect pour l’une des plus grandes figures de l’histoire russe.
Il se trouve qu’aujourd’hui est un jour férié à la mémoire de ceux qui sont tombés le dimanche sanglant de 1905, de sorte que la ville était accrochée de drapeaux rouges avec des banderoles noires bien avant de savoir qu’elle devait pleurer une mort plus intimement ressentie par tous. Le drapeau de la mission britannique est en berne.
Annonce soviétique
L’Agence télégraphique russe à Londres a publié hier après-midi ce qui suit :-
Lénine est mort le 21 janvier à 18h50 dans les collines près de Moscou. Le bulletin du médecin dit : « Le 21 janvier, l’état de santé de Vladimir Ilyitch s’est brusquement aggravé. À 17 h 30, sa respiration est devenue difficile. Il a perdu connaissance et a expiré à 18h50 par paralysie des centres respiratoires. »
Un communiqué du gouvernement dit- « Ce coup le plus douloureux qui a frappé les travailleurs de l’Union soviétique depuis l’époque de la conquête du pouvoir par les ouvriers et les paysans de Russie sera un choc profond pour chaque ouvrier et paysan non seulement dans notre République mais dans tous les pays. Les plus grandes masses de travailleurs du monde entier déploreront la perte de leur plus grand chef. Il n’est plus parmi nous, mais son œuvre reste inébranlable. Exprimant la volonté des masses laborieuses, le gouvernement soviétique poursuivra l’œuvre de Vladimir Ilitch, en marchant fermement sur la voie qu’il a tracée. Le Gouvernement soviétique se tient fermement à son poste veillant sur les conquêtes de la Révolution prolétarienne. »
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