L’histoire d’Izanagi et d’Izanami a été adaptée de deux sources traditionnelles de la mythologie shintoïste : le Nihongi (« Chroniques du Japon »), traduit par W. C Aston, et le Ko-ji-ki (« Registres ou affaires anciennes »), traduit par B.H. Chamberlain.
Au tout début, c’est-à-dire avant le début du commencement, le Ciel et la Terre étaient un et indivis. Ensemble, ils étaient comme un œuf, mais un œuf sans limite. La matière la plus fine se diffusait et finissait par devenir le Ciel, tandis que la matière la plus grossière se déposait pour devenir la Terre. La matière la plus fine s’assemblait facilement pour donner forme au Ciel, mais la matière la plus grossière était lente et se consolidait avec difficulté. Ainsi, le Ciel a été formé avant la Terre. Lorsque le Ciel et la Terre furent divisés, les êtres divins furent produits entre eux.
Parmi les êtres divins, il y avait les sept générations de Dieux, dont les derniers, la septième génération, étaient Izanagi, le Mâle-qui-invite, et Izanami, la Femme-qui-invite. Lorsqu’ils eurent pris naissance, toutes les autres divinités célestes leur ordonnèrent de donner naissance à la terre à la dérive. On leur donna une lance ornée de bijoux et, debout sur le pont flottant du ciel, les deux divinités enfoncèrent la lance et remuèrent la saumure jusqu’à ce qu’elle caille. Puis ils remontèrent la lance et la saumure qui s’en écoula forma l’île d’Onogoro.
Sur Onogoro-jima, Izanami et Izanagi se construisirent un magnifique palais, avec un énorme pilier central qui s’élevait jusqu’au ciel. Alors le Mâle-qui-invite dit à son épouse : « Comment est formé ton corps ? ». La Femme-qui-Invite répondit : « Mon corps est complètement formé, sauf qu’une partie est incomplète. » Son époux répondit : « Mon corps aussi est complètement formé, sauf qu’une partie est superflue. Complétons ce qui est incomplet en toi par ce qui est superflu en moi, et créons ainsi le monde. » Izanami répondit : « C’est bien. »
Alors Izanagi dit : « Faisons le tour du pilier céleste et, nous rencontrant de l’autre côté, devenons unis par les liens du mariage. Fais toi le tour par la gauche, et je ferai le tour par la droite. » C’est ce qu’ils firent, et lorsqu’ils se retrouvèrent de l’autre côté, Izanami dit : « Quel bonheur ! J’ai rencontré un jeune homme charmant ! » Et Izanagi dit, « Comme c’est charmant ! J’ai rencontré une charmante jeune fille », mais il se dit en lui-même : « Il était peu propice que la femme parle la première. »
De l’union d’Izanagi, le Mâle-qui-invite, et d’Izanami, la Femme-qui-invite, naquirent les îles du Japon, première partie du monde à être créée. D’elles sont également issus les dieux, dont le Dieu du Feu. De cette naissance, Izanami ne se remit pas, mais fut mortellement brûlée. Elle descendit donc dans les enfers, et Izanagi fut obligé de l’y chercher. Dans les ténèbres, ils se rencontrèrent, et Izanami supplia son mari d’être patient et d’attendre à la porte des enfers, et de ne surtout pas apporter la lumière dans le monde des ténèbres. Mais Izanagi s’impatienta en attendant sa femme, et alluma la dent de son peigne. Puis, muni de sa torche, il entra dans le palais, à la recherche d’Izanami. Il la trouva enfin, mais, à sa grande horreur, il la vit en train de se décomposer. Pris de panique, il s’enfuit, poursuivi par sa femme, et émergea finalement dans le monde supérieur. Il plaça fermement une pierre sur l’ouverture du monde souterrain et récita le chant de la séparation. Alors ils furent séparés pour toujours, Izanagi et Izanami, lui pour habiter parmi les dieux dans le ciel, et elle pour régner dans le pays des morts. ♦
Dans Parabola Volume 3, No. 4, « Androgyny », Hiver 1978. Ce numéro est disponible à l’achat ici. Si vous avez apprécié cette pièce, pensez à vous abonner.